Les ingénieurs et les physiciens en charge de déterminer les raisonnements et les calculs menant à la stratégie énergétique suisse ont tous fait des sommes globales de productions d’énergie et de consommations annuelles (en GWh): ils ont généralement négligé le facteur temps, l’immense variation journalière, saisonnière et d’une année à l’autre des productions d’énergie de provenance solaire (il aurait fallu tenir compte des puissances en jeu, en MW).
On sait qu’ils ont imité plus ou moins ce qui s’est fait en Allemagne, guidés qu’ils étaient pour la plupart par leurs a priori anti-nucléaires; or ce pays est en train de subir un cuisant échec financier et écologique de sa stratégie énergétique, en subventionnant les énergies renouvelables d’au moins 23.5 milliards € par an et en remplaçant les centrales nucléaires par des centrales à charbon et à lignite; sachant que ce pays a une taille environ 10 fois celle de la Suisse, cela a rassuré à tort nos décideurs; mais ce qui s’y passe dorénavant devrait inciter à éprouver de forts doutes sur notre propre stratégie … En ce qui concerne l’électricité, le noeud de l’affaire est l’impossibilité à ce jour de faire de l’accumulation saisonnière d’électricité (directement ou indirectement) à l’échelle suffisante. Relire l’article technique à propos d’accumulateurs à Ni : c’est dissuasif !
A propos de production et de consommation, on peut détecter les problèmes en cause simplement par les dernières statistiques fournies par la Confédération, fournies année après année.
NB: les valeurs reportées sur le graphique qui suit sont des points représentant les sommes d’énergie électrique au 31 décembre de chaque année, les traits les reliant ne sont que des facilités de lecture. Rappel: un GWh = 1’000’000 kWh
Remarque: les productions hydrauliques varient d’une année à l’autre de ± 5’000 GWh ! Les contributions des énergies renouvelables sont contenues dans une partie de la zone en rouge. Sans la contribution des centrales nucléaires (zone en rose), les centrales hydrauliques (en bleu) ruinées, le bilan risque de devenir extrêmement maigre …
Le graphique suivant permet de savoir ce qui se passe pendant une année, ce que les droites du graphique précédent ne traduisaient absolument pas.
NB: les valeurs reportées sur l’histogramme sont des points représentant les sommes d’énergie en fin de chaque mois, les traits les reliant ne sont que des facilités de lecture
Remarque: les productions renouvelables (ce qu’on voit bien ici est l’hydraulique) suivent la courbe solaire, présentent un pic en été et un creux en hiver; les productions thermiques échappent à ce schéma. La consommation est forte surtout en hiver et mène donc à des importations. Les variations du nucléaire proviennent d’ordinaire des révisions en été.
Ce graphique permet de savoir qu’à fin 2014, la contribution des énergies renouvelables se montait à 3.8% du total annuel, celle des usines thermiques de cette catégorie à 1.6%.
Si l’on se réfère aux publications récentes dans nos médias, on s’aperçoit qu’ils sont généralement tombés dans le même piège que les auteurs de la stratégie énergétique suisse: ils font le raisonnement de croire que les trous de productions de l’hiver vont pouvoir être compensés par une très abondante production en été (que ce soit en GWh ou en ménages, le raisonnement est faux); or, aussi bien techniquement que financièrement, cet objectif n’est même pas partiellement atteignable en quantités raisonnables; dans la foulée, ils propagent aussi la fausse croyance au remplacement des centrales nucléaires par des énergies renouvelables.
Exemple de publication dans Le Temps, page de tête, 3 mars 2016, titre Mühleberg ferme mais trois centrales obtiennent un répit, NUCLEAIRE
et en page 7 Mühleberg s’arrête, le nucléaire survit; de Bernard Wühtrich, Berne
L’extrait suivant (page de tête) est un échantillon caractéristique des croyances fragiles engendrées par la stratégie énergétique de la Confédération:
«… Les fournisseurs d’électricité peuvent facilement remplacer les 10% de la production que représentent ensemble Mühleberg et Beznau I, et ce grâce aux énergies hydroélectrique et photovoltaïque … »
Le propos de M. Wühtrich est hélas dans l’erreur: pour remplacer les centrales arrêtées, trouver 10% de la production d’électricité en Suisse va être très difficile, peu vraisemblable avec une hydraulique déficitaire, impossible avec les autres énergies renouvelables. Relire à ce sujet l’analyse technique Remplacer Mühleberg nucléaire ? Exclu !
La conséquence la plus probable va être une augmentation massive des importations, tant qu’il y aura des membres de l’UE en mesure de nous livrer de l’électricité en surplus … Trois fois hélas, le réveil va être pénible, si l’UE allait subir des pénuries: la stratégie de la Confédération doit être mise à la poubelle et repensée – les investissements en éoliennes et parcs photovoltaïques stoppés, pour limiter les dégâts … Relire l’analyse politique: Une adhésion forcée à l’UE ?
Relire aussi à combien se montera la puissance nécessaire, pour faire face au plus mauvais des cas, de manière à disposer d’assez d’énergies pour rendre la Suisse indépendante:
Il y a augmentation de la dépendance envers l’UE, ce qui est très inopportun: par leur approbation par étapes de la stratégie énergétique de la Confédération, les Chambres fédérales semblent ignorer ou négliger cette perte d’indépendance – en tout cas la Presse n’en parle pas; sortir du nucléaire dans ces conditions, combiné avec l’ouverture débridée du marché, représentent donc bien l’erreur du siècle, stratégiquement et politiquement parlant.
André Bovay-Rohr, Colombier (VD), le 7 mars 2016
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