Transition énergétique à la dérive

Confronté au fait que la stratégie énergétique (2050!) de la Confédération suisse n’a aucune chance de fonctionner – et est en train d’échouer – un ancien de l’EPFL à la retraite, M. le Professeur de physique Franz-Karl Reinhart, a décidé de réagir officiellement; il m’a transmis copie de sa correspondance récente, avec prière de la publier. Ci-dessous, la réponse du Directeur de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), chargé de lui répondre au nom de la Confédération suisse: c’est donc la position officielle du Conseil fédéral, de notre Gouvernement – traduite en français par la famille Bovay-Rohr, révisée par le Dr. De Reyff.

Joints sous forme de fichiers .pdf, les textes originaux en allemand:

2014.07-25 Leuthard   2014.08-26 BFE   2014.09-07 Leuthard

L’éditeur, le 17.9.2014, révision 4.10.2014

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Par la suite, la Confédération a répondu à la deuxième lettre, sans entrer du tout sur le fond des problèmes, que l’OFEN n’avait pas le temps (!) de continuer cet échange. Voir la publication de la réaction de M. le Pr. Gérard Sarlos, expert en systèmes énergétiques, accompagnée de toute la correspondance du Pr. Reinhart, en originaux et en traductions in extenso, sur le site LesObservateurs.ch, sous le titre

Transition énergétique : le professeur EPFL Franz-Karl Reinhart dénonce un non-sens qui va mettre en danger notre compétitivité internationale et impliquer une perte de niveau de vie et de confort.

Lien   La lutte de retraités scientifiques de haut niveau contre une administration fédérale en dérapage

… dont le nom de lien a été librement choisi par mes soins.

L’éditeur, le 4.10.2014

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Berne, le 26 août 2014

Monsieur le Professeur,

Votre lettre du 25 juillet 2014 à Mme la Conseillère fédérale Doris Leuthard a été transmise à notre office et nous avons pris connaissance de vos positions.

La décision de renoncer à moyen terme à l’énergie nucléaire est fondée sur divers documents de base, qui montrent que la sortie de l’énergie nucléaire est faisable et économiquement supportable. L’usage de chaque source d’énergie a des avantages et des inconvénients. La catastrophe nucléaire à Fukushima a cependant montré que, même dans des pays très développés comme le Japon, un accident nucléaire n’est malheureusement pas exclu. En outre, le potentiel du thorium comme combustible est connu depuis longtemps. Dans ce domaine, en Suisse, l’Institut Paul-Scherrer et des chaires des deux EPF participent actuellement à des recherches internationales. C’est pourquoi le Conseil fédéral ne désire décréter aucune interdiction de technologie pour le nucléaire, tout en ne délivrant cependant aucune nouvelle autorisation générale pour de nouvelles centrales nucléaires.

Il est vrai que, ces temps, l’énergie hydraulique est financièrement sous pression. Ce n’est pas la Stratégie énergétique 2050 qui en est cause, mais beaucoup plus l’évolution du marché de l’électricité européen : la grande quantité d’énergies renouvelables, mises sur le réseau en Allemagne et en Italie, et le recul de la demande de courant en Europe, dû à la crise financière et économique, ont conduit à une offre pléthorique. De plus, les prix des combustibles sont bas : l’Amérique du Nord extrait du gaz à prix favorables, au moyen des techniques de fracking. Grâce à ces méthodes de forage, les Américains peuvent couvrir leurs propres besoins en énergie, ce qui fait descendre le prix du charbon et donc les coûts de production de l’électricité des centrales à charbon en Europe. Parallèlement, le prix commercial des certificats d’émission de CO2 dans l’UE est très bas, dû à une offre surabondante. C’est ainsi que les prix de revient de l’électricité issue du charbon sont en partie plus bas que pour ceux du courant provenant de l’hydraulique ou du nucléaire. En outre, les producteurs suisses souffrent de l’affaiblissement de l’Euro, survenu ces dernières années.

Nous sommes convaincus, que la Stratégie énergétique est la meilleure solution pour garantir l’approvisionnement en énergie de la Suisse à long terme.

Meilleures salutations.

Office fédéral de l’énergie

signé

Walter Steinmann

Directeur

 

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Commentaire

Il faut souligner l’importance de la rupture, après des années, du silence complaisant régnant sur ce sujet dans le monde académique, et féliciter ce pionnier.

Le savant, destinataire de cette réponse, en a été si fortement indigné, qu’il a adressé à Mme la Conseillère fédérale Leuthard une deuxième lettre, incendiaire. Il est vrai qu’en dehors d’une analyse assez banale de la situation économique générale, le contenu de cette réponse est aberrant: outre que la décision de sortir à moyen terme du nucléaire repose sur des données fausses, l’OFEN refuse, dans la triste situation de nos producteurs d’électricité, d’y voir une quelconque responsabilité des choix de la Confédération; celle-ci pourtant a suivi le mauvais exemple de l’Allemagne et donc se casse la figure comme elle et avec elle.

En février 2007, le Conseil fédéral avait décidé de fonder sa politique énergétique sur quatre piliers: 1) l’efficacité énergétique, 2) la promotion des énergies renouvelables, 3) le remplacement et la construction de centrales électriques et 4) la politique énergétique internationale de la Suisse.

Il n’y est fait nulle part mention du remplacement du pétrole ou du gaz … or, avec légèreté et incompétence (en physique, en biologie et médecine), on s’est privé en 2011 du seul pilier vraiment solide: le remplacement des anciennes centrales nucléaires et de nouvelles constructions ; en effet, les énergies renouvelables sont très loin de faire le poids. Relire   Remplacer Mühleberg nucléaire ? Exclu !

Il n’y a pas eu besoin d’attendre 40 ans pour constater que la stratégie énergétique de la Confédération est maintenant déjà en échec sévère: voir les menaces financières sur l’hydraulique (environ 60% de notre production propre actuelle !) Voir      http://www.alpiq.ch/fr/images/Alpiq_Rapport_semestriel_2014_tcm116-117183.pdf   page 26, l’effrayante évolution de 2009 à 2014.

Le recours massif aux importations, où mène de gré ou de force cette stratégie, n’est en aucune manière une garantie d’approvisionnements … surtout depuis le 9.2.2014 ! Relire   PAS DE SURVIE

La conclusion de M. Steinmann est donc pure fiction, venant d’un Office fédéral de l’énergie (OFEN) aux pieds décollés de Terre … Cela appelle un grand coup de balai, aussi bien parmi les conseillers rédacteurs de documents de base, que parmi la hiérarchie de l’OFEN. 

André Bovay-Rohr, 1114 Colombier, le 17.9.2014

Commentaire

A la lecture de l’article du 3.10.2014 dans LesObservateurs.ch et de tous ses commentaires jusqu’au 4.10.2014, je ne peux qu’encourager tous nos lecteurs de contacter les CEATE, commissions législatives chargées des affaire du DETEC, ainsi que les commissions de gestion CdG, pour leur faire part de l’incompétence constatée dans la préparation de la stratégie énergétique (2050 !) de la Confédération: en ce qui concerne le ménage de l’électricité, dès le départ elle n’avait pas la plus petite chance de fonctionner – par exemple on ne peut pas remplacer en Suisse nos centrales nucléaires par les moyens envisagés. Venir proposer des moyens inadéquats dans une affaire aussi importante est une violation de l’éthique de l’ingénieur …

André Bovay-Rohr, 1114 Colombier, le 4.10.2014

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