DESERTEC, exploitation durable à grande échelle d’énergie solaire

Lettre de l’expert Pr. Dr. Hubert Kirrmann, ingénieur en électrotechnique de l’EPF Zürich, informaticien spécialiste d’automation industrielle. Les intertitres sont de l’éditeur.

§ Contexte – si les choses allaient mal se passer

Dans 100 ans, les derniers gisements de gaz, de pétrole et de charbon seront épuisés, les produits pétroliers ne seront plus des combustibles, mais que des matières premières; la concentration de CO2 dans l’atmosphère aura atteint le niveau du paléolithique; la population terrestre sera en recul, suite à la pollution, aux changements climatiques et aux conflits. Et pourtant, il n’y aura eu aucun besoin d’en arriver là.

§ Il y a une très bonne alternative

Il y a dans les régions désertiques sur Terre suffisamment d’énergies renouvelables pour approvisionner 10 milliards d’êtres humains indéfiniment.

En Europe, le projet Désertec (https://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_Desertec) initialement lancé par l’Allemagne et certaines grandes entreprises entrevoit de construire dans la zone aride de l’Afrique du Nord et du sud de l’Europe des centrales électriques solaires (laissons de côté les autres facettes de Désertec comme les parcs éoliens).

Dans ces régions, le soleil livre généreusement une puissance moyenne sur l’année de plus de 200W par mètre carré (1 kW pointe). Avec seulement 10% de rendement, il ne faut pour remplacer la production d’une centrale nucléaire de 1 GW qu’un carré de 7 km de côté, infrastructure comprise. 100 centrales réparties du Maroc à l’Egypte suffisent pour approvisionner tout le Maghreb, l’Afrique sub-saharienne et l’Europe en électricité et substituer le pétrole.

Pour cela, aucune recherche fondamentale n’est nécessaire. Les technologies sont connues: centrales photovoltaïques pour la production diurne et centrales thermo-solaires pour le stockage et la production nocturne. Il suffit d’améliorer la technique et de baisser les prix. Le coût de production du kWh solaire est sous ces latitudes en-dessous du prix de détail en Suisse, la « parité  » est atteinte.

La production solaire culmine quand la demande est la plus forte, surtout dans les pays qui climatisent leurs édifices, le « pic de midi » est couvert. La répartition des centrales sur plusieurs fuseaux horaires assure l’étalement des pics journaliers et une production peu dépendante de la météo et de défaillances. La production en hiver est assurée même quand la Suisse vit sous le brouillard.

Le transport de l’électricité par câbles à courant continu sur le fond de la Méditerranée est résolu: il est même plus économique de faire tourner une centrale à gaz en Sibérie et de transporter l’électricité par lignes électriques que de transporter le gaz par gazoducs et de le brûler ici. Les câbles pourraient être posés comme les gazoducs aujourd’hui, ou même sous les autoroutes.

Cette source d’énergie assure des emplois sur place (construction, entretien, défense) et contribue à la stabilité des pays et réduit l’émigration. Des usines d’aluminium, des centres de calculs peuvent s’y installer.

La Suisse a l’argent. Elle pourrait monter un partenariat avec certains pays et se positionner en pionnière. Ses barrages de montagne lui permettent de lisser les pointes et de fournir l’électricité d’appoint et de régulation. Elle deviendrait la batterie de l’Europe Centrale. Rien que des avantages.

§ Les dérives, où nous entraînent les guerres entre fournisseurs d’énergie

Mais jusqu’à présent, seul le Maroc a ouvert une petite centrale. Le projet est en crise, les partenaires économiques se retirent. Pourquoi ?

Pour simplifier, disons que ni les pétroliers, ni les partisans du nucléaire, ni les « écologistes », ni les politiciens, ni le commerce n’en veulent.

D’abord, Désertec doit subsister sans subventions, et subit donc la concurrence des centrales fossiles. Le bas prix actuel de l’électricité en Europe l’affecte.

Même si l’électricité de Désertec ne coûte que 20% de plus qu’à la bourse, aucune banque ne lui fait crédit. L’industrie pétrolière, pourtant profitant des deniers publics, s’oppose aux subventions du solaire (et a fermé ses propres activités solaires).

Ensuite, l’industrie Européenne du renouvelable existe grâce aux subventions, même là où cela ne fait pas sens ni économiquement, ni techniquement. Les petits producteurs voient en Désertec un concurrent qui pourrait avec le même investissement produire trois fois plus d’énergie de meilleure qualité et leur coûter leur retraite.

Bien sûr, certains invoquent d’autres problèmes plus ou moins réels : le sable, les voleurs, la volatilité politique, les extrémistes religieux, les « rois du soleil », le néocolonialisme, les nobles Touaregs, les vaillants combattants du Polisario, les matières premières. Il est difficile de croire à la sincérité de ces mêmes qui roulent au pétrole d’Afrique, se chauffent au gaz du Maghreb et couvrent leur grange de cellules importées d’Asie payées par leurs voisins.

Puis il y a les nostalgiques du nucléaire 1979 qui pensent encore pouvoir convaincre l’opinion et les banques de construire des centrales nucléaires et ne veulent donc pas d’autre solution.

§ Les défaillances politiques des Etats.

Seuls les Etats pourraient encore intervenir, mais les déclarations « vertes » de nos dirigeants servent surtout à rassurer leur opinion et à assurer leur réélection. S’ils sont bien informés, ils savent que nous fonçons droit dans le mur. Dans le rapport sur l’énergie 2050 du Conseil Fédéral, les importations d’électricité ne figurent qu’en marge, Désertec n’est pas une option, et encore moins un champ d’action. Par contre, les lobbys pétroliers sont bien présents au Conseil Fédéral « dans l’intérêt de l’économie », bien sûr et les écologistes défendent leur petite industrie.

§ Un avenir bien terne

La situation changera dans 30 ans, quand les centrales atomiques françaises s’arrêteront et que le lignite allemand sera épuisé, quand le feu de paille du gaz de schiste s’éteindra et que le prix du baril montera au-dessus de 500$ et quand l’on se rendra compte que 30 ans de subvention du pâle soleil helvétique n’auront même pas remplacé Beznau. À ce moment, l’économie se ruera vers ce nouvel Eldorado et nos conseillers fédéraux joueront les coursiers. Seulement, les Asiatiques qui développent aujourd’hui la technologie pour leurs pays occuperont le marché et nous vendront le courant – si nous sommes encore capables de le payer.

Hubert Kirrmann, Professeur honoraire de l’EPFL

Baden, 12 janvier 2014

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Commentaire

§ Pour la survie à long terme de la civilisation énergivore, Desertec est bien le genre de développements inéluctables à entreprendre. Pour que la graine veuille bien germer, il faudra que les pays ensoleillés soient beaucoup plus directement intéressés à ces technologies: on peut suggérer de mettre dans les programmes de développements et de constructions une priorité élevée aux productions d’eau douce et de sel. 

§ Pour que les pays consommateurs d’électricité reprennent courage à propos de Desertec, il faudra que tout le monde soit bien persuadé que le CO2 produit par la combustion de pétrole, de charbon et de gaz est bien le principal responsable des changements climatiques, de la montée de l’océan, des tempêtes démentielles … Or il est bien tard: au paléolithique, il y avait au maximum 270 ppm de CO2 dans l’atmosphère et nous en sommes à 400 ppm, en augmentation d’environ 2.5 ppm/an; voir    http://www.esrl.noaa.gov/gmd/ccgg/trends/

Nous avons créé les conditions de la 6ème extinction de masse – il n’est pas du tout sûr que nous puissions, en tant qu’espèce, y échapper.

§ Le tout premier problème qu’il va falloir résoudre, pour lequel Desertec a servi de révélateur, c’est à grande échelle faire face à l’échec du système capitaliste et donc de notre système social, à prendre à temps les bonnes décisions … et cette fois-ci, il ne s’agit pas de milliards de francs ou de TWH, mais de notre peau en tant que Société civilisée !

André Bovay-Rohr, Colombier (VD), le 28 janvier 2014

Commentaire

Bien regarder la date de l’article: l’inexistence de l’effet de serre de gaz comme CO2 ou CH4 n’était pas connue de l’éditeur, informé en 2017. S’il y a montée de l’océan, c’est au réchauffement qu’on le devrait, provoqué par d’autres causes climatiques … Les fraudes de 1995 du GIEC n’avaient pas encore été éventées et démontrées par le Pr. Pont !

A mon avis, les techniques de Désertec restent très intéressantes et porteuses pour le futur.

André Bovay-Rohr, Colombier (VD), le 14 octobre 2020

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