Big bang électrique? Aussi en Suisse ?

Lettre de lecteur pour Le Temps, publiée le 22 août 2014, titre changé et texte amputé par la rédaction du journal (de la moitié du texte, de la partie technique présentée ci-dessous en gras !).

Elle s’adresse au Rédacteur en chef, M. Pierre Veya, auteur d’une analyse économique en électricité.

L’éditeur, le 25.8.2014

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Contrastes électriques 

Votre analyse sur le «big bang électrique» est remise en cause le lendemain (LT 27 et 28 juin) par une nouvelle d’Allemagne sur la réforme de la transition énergétique en vue d’arrêter l’augmentation du prix de l’électricité qui est devenu le double de celui des pays environnants alors que la part des sources renouvelables dans l’électricité allemande, bien que croissante, est juste de 25%. En effet les consommateurs allemands doivent payer 6,2 ct€ de taxe par kWh pour soutenir avec 20 milliards € par an le développement de ces sources pourtant déclarées rentables. En Suisse le Conseil fédéral vient de décider d’élever cette taxe à 1,1 ct par kWh dès 2015, cela dans le même but de soutien aux sources renouvelables avec 600 millions par an.

Contrairement à ce qui est dit dans l’analyse du Temps, la majorité des consommateurs suisses ne seront jamais des auto-producteurs qui pourraient vendre leurs surplus sur le réseau. Ils resteront des consommateurs captifs, donc ni «rois» ni producteurs, et aucun appareil ne leur permettra jamais de «choisir plus librement l’origine des électrons»; cela est un non-sens, car il ne peut exister de filtre à électrons! Ceux qui choisissent de s’approvisionner en courant dit «vert» auprès de leur entreprise électrique locale, n’ont qu’une pure garantie comptable de leur achat, mais pas une garantie physique qu’il est impossible de donner.

Il faut aussi répéter qu’en Suisse la demande en puissance électrique de ruban (ou charge de base) est au moins de 5 gigawatts (GW), les pointes de consommation pouvant aller au-delà de 10 GW. Il est indispensable d’assurer ce ruban dans le pays même (jour et nuit, été comme hiver). Cela se fait actuellement avec nos centrales hydrauliques au fil de l’eau (2 GW) et nos centrales nucléaires (3 GW). Des capacités de stockage hydraulique existent et peuvent encore être développées, mais on ne pourra pas en construire pour une telle puissance de ruban.

Christophe de Reyff, Pensier (FR), le 30 juin 2014

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Commentaire

Entièrement d’accord avec l’auteur ! Voir

   Transition énergétique en Suisse ? Un piège !   

Le «big bang» électrique qui fera de nous des consommateurs-rois débute par une description de ce qui arrive aux USA à tout le secteur électrique américain conventionnel, basé sur le charbon, le nucléaire et le gaz: une concurrence potentiellement mortelle, faite par les énergies éoliennes et photovoltaïques; l’article parle aussi de réduction des coûts de stockage, sans préciser sur quelles techniques il se fonde; financièrement parlant, les banques ou instituts cités (Barclays, Rocky Mountain Institute, Citygroup),  anticipent beaucoup, en prétendant “entrer dans l’âge des renouvelables”.

Le climat des USA s’étend sur une plage de latitudes beaucoup plus grande que celle de l’Europe ! Les durées d’ensoleillement dans les Etats du Sud sont comparables à celles de l’Afrique du Nord ! Les vents qui soufflent sur les côtes de Californie, par exemple, ont une puissance et une régularité sans comparaison avec ceux de l’Europe. Il serait donc étonnant que les Américains, entreprenants comme ils le sont, n’utilisent pas ces opportunités. Mais d’ici à pouvoir assurer un réseau puissant, stable et bon marché sur les 8’760 heures de l’année: peut-être – dans des cas particuliers – difficilement dans les grandes villes, par exemple.

Mais ce n’est pas une raison pour tenter de faire croire à une transposition possible en Allemagne ou en Suisse … C’est oublier que le climat y est bien plus défavorable – c’est négliger les prélèvements d’impôts et taxes: le pétrole aussi, serait bon marché, sans l’Etat; après la période de subventionnement, viendra celle des impôts; d’un optimisme extravagant, M. Veya: je serais très surpris que le consommateur d’énergie quitte en Suisse son rôle immémorial de «vache à lait» …

André Bovay-Rohr, Colombier (VD), le 15 juillet 2014

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