Une vision irréaliste

La présente lettre de lecteur, adressée au quotidien Le Temps et refusée (!), montre concrètement ce que donnent les propositions des tenants de la stratégie énergétique de la Confédération: un désastre. Il y a donc violation des lois de la physique (les dérivées selon le temps n’ont pas été correctement intégrées à la réflexion) et il y a violation de l’éthique de l’ingénieur (proposer un système incapable de fonctionner).

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Pensier (FR), le 3.2.2013, 21 :12

Selon Denis Torche, de la direction de Travail.Suisse (LT du 1er février), «il n’est pas irréaliste de produire les 10 TWh (milliards de kWh) prévus pour le photovoltaïque (PV) vers 2030-2035 s’il existe la volonté politique de le faire». Rappelons que cette valeur cible est prévue pour 2050 dans la Stratégie énergétique de la Confédération. Il y a la politique avec ses buts, mais surtout, il y a le dur chemin réaliste à parcourir entre aujourd’hui et les dates fixées par les uns ou les autres. Que représente un tel but à atteindre déjà en 2035?

Examinons la voie à parcourir pour devoir installer d’ici-là une capacité de production de près de 12 GWc (gigawatts-crête, ou milliards de watts-crête) ou 60 km2. Sur les 23 ans qui nous en séparent, cela représente 520 MWc (megawatts-crête, ou millions de watts-crête) par an, ou 10 MWc par semaine, ou 2 MWc par jour ouvrable, ou 400 installations PV domestiques de 5 kWc, soit plus de 10’000 m2 de modules PV à poser chaque jour, jusqu’en 2035. A-t-on seulement les capacités techniques de le faire? D’autre part, à un coût spécifique de 3 ou 4 francs par Wc installé tout compris, il en coûterait entre 36 et 48 milliards, soit 6 à 8 millions par jour ouvrable, à dépenser continûment jusqu’en 2035. Ces chiffres têtus résistent à toute volonté politique. Même si cette dernière était là, on ne voit pas qui irait dépenser autant d’argent pour ne produire «que» 10 TWh, d’autant plus que le manque effectif sera presque quatre fois plus grand en 2035 lorsque nos centrales nucléaires seraient toutes arrêtées (–26,4 TWh) et que les droits de tirage de la Suisse sur la production nucléaire françaises seront aussi échus (–12,4 TWh). Selon le Pr Püttgen de l’EPFL, ce sont bien 38,8 TWh qui seront ce «total de production à combler en 2035». N’y a-t-il pas une utilisation plus intéressantes et plus productive de ces dizaines de milliards de francs pour combler pleinement cette lacune?

Christophe de Reyff

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