Astéroïdes et comètes: les besoins du génie civil spatial

 Version révisée du 10 avril 2013.

Le bolide ayant ravagé Tcheliabinsk le 15.2.2013 avait un diamètre d’environ 17 m et pesait dans les 10’000 tonnes. Un système de défense entièrement automatique et préparé à la venue d’un bombardement venu de l’espace serait peut-être parvenu à l’intercepter; les délais, entre la détection d’un objet aussi petit et son arrivée, sont en effet extrêmement courts: leur vitesse relative à l’entrée de l’atmosphère dépasse souvent les 11 Km/s. De plus, on sait maintenant qu’il contenait quelques sidérites (débris de ferro-nickel).

On doit cependant absolument se préparer à détruire ce genre de météorites, venues généralement de la ceinture d’astéroïdes (entre Mars et Jupiter), connus pour leurs trajectoires chaotiques: il y en a de toutes les tailles, et une collision, par exemple avec 2012 DA14, qui nous a salués ce même 15.2.2013, voir: Vidéo tirée d’images radar aurait eu des effets bien plus graves (plus de 40’000 tonnes). Pour le moment, si la détection n’est pas entièrement satisfaisante, en matière d’interventions en revanche, nous ne sommes pas du tout prêts: d’autant moins que l’article Organiser la défense contre les météorites a montré que les explosifs devaient obligatoirement être nucléaires. Or la lenteur relative des missiles utilisables imposera une mise en oeuvre dans les secondes après détection, dans bien des cas – c’est une contrainte extrêmement dure, à assumer 24h/24 par des automates dotés d’armes nucléaires très puissantes et en bon état de marche …

§ Les publications sur le géocroiseur Apophis (325 m de diamètre, collision possible avec la Terre en 2036) ont révélé un inquiétant manque de précisions quant à sa composition et quant à sa masse (on admet un facteur 3 comme plausible, chez les scientifiques: il serait plus honnête de dire qu’on ne sait pas !); en fait, personne ne sait s’il est vraiment une sidérite (comme annoncé partout) et si sa matière est ou non poreuse; ce dernier point est très invraisemblable: la plupart des astéroïdes sont issus d’une soixantaine de gros corps parents, où roches et métaux se sont différenciés, ont fondu; par la suite, des collisions ont réduit ces corps parents en miettes. Une vraie sidérite aura donc une densité d’environ 8 et ne se laissera pas détruire par des explosifs. Même avec un très puissant réacteur nucléaire de chauffage, il faudra du temps pour en venir à bout par fusion (dans de l’acier avant la fusion, une onde de chaleur progresse d’environ 16 cm/heure). Les ouvriers du génie civil spatial auront de rudes tâches …

Là la mise en oeuvre du système de défense ne sera pas du tout aussi pressante; en revanche Apophis se trouve à des dizaines de millions de Km de la Terre, sur une orbite différente et plus rapide: y aller imposera de disposer de vaisseaux moins lents et, pour intervenir, beaucoup plus puissants que les actuels.

 § Les publications sur la comète de nom C/2013 A1 (c’est à cause de sa provenance – du nuage d’Oort – qu’on suppose avoir affaire à une comète), qui va passer tout près de la planète Mars et même risque de faire une collision ravageuse le 19 octobre 2014, illustrent bien aussi les difficultés qui vont attendre les ingénieurs et les ouvriers de l’espace, chargés d’assurer notre protection; il y a un formidable gouffre de centaines de millions de Km, à franchir pour intercepter une telle comète à temps: on devra disposer de vaisseaux capables d’y aller en quelques jours et aussi de pouvoir s’y poser avec un matériel d’investigations et d’interventions. Oubliées les conditions du dangereux voyage vers la petite Mars, froide, hostile et toxique, supposé durer des mois …

Pour le moment, les renseignements précis manquent: en dehors du calendrier, imposé par les lois de l’astronomie, on ne sait par exemple pas de quoi est composée C/2013 A1, ni sa masse, ni son diamètre. On devra avoir mieux qu’une fourchette de 3 à 50 Km de diamètre, et une densité d’environ 1, pour être en mesure de traiter ce monstre … Ce serait très bien de pouvoir apporter sur Mars des dizaines de milliards de m3 d’eau, mais pas à 56 Km/s et pas d’un seul coup ! Il se trouve que le passage vers Mars représente pour cette comète son point le plus proche du Soleil, avant de repartir vers l’espace: ça va passer ou casser.

Situation générale

L’image 3D ci-dessous documente la situation antérieure à la découverte de 2013 (comme très souvent en astronomie, une photographie de 2012 a été retrouvée après coup); le Soleil est représenté par le point rouge au centre; la ligne verticale est la perpendiculaire au plan de l’orbite de la Terre, la ligne oblique celle des équinoxes; la comète C/2013 A1 vient par le bas de l’image et sa trajectoire calculée est représentée en bleu foncé (en bleu clair, celle qui se continuerait en l’absence de collision); l’image 3D a été tournée de façon à ce que cette trajectoire calculée soit représentée tangente à l’orbite de Mars.

Sur l’image figurent volontairement toutes les planètes; on ne distingue à cette échelle pas celles qui sont très proches du Soleil (Mercure, Vénus, Terre !).

C2013 A1 générale

AU = Unité astronomique = 149 597 870 700 m

(approximativement la distance Terre-Soleil). La comète est à 1177 millions de Km du Soleil le 12 octobre 2012, un peu moins de 6 fois la distance Mars-Soleil à cette date (209 millions de Km).

   Situation lors de la découverte, le 4.1.2013 

Dans chacune des images 3D suivantes, l’échelle a été agrandie, pour mieux représenter les planètes du centre du système solaire.

C2013 A1 découverte

La comète s’est rapprochée de 100 millions de Km du Soleil pendant ces 84 jours où personne chez nos scientifiques ne savait qu’elle allait rencontrer Mars; elle a évidemment accéléré constamment, sous l’effet du champ de gravitation du Soleil.

Situation une semaine avant la rencontre

Exactement 730 jours, deux ans, après la première photographie

C2013 A1 semaine-

La rencontre aura lieu pratiquement en trajectoires formant un angle droit; les 24 Km/s de Mars combinés aux 50 Km/s de la comète amèneront la vitesse relative à environ 56 Km/s.  NB: les orbites des planètes sont généralement des ellipses, le Soleil occupant un des foyers.

Situation lors de la rencontre 

C2013 A1 rencontre

Mars et la comète se trouvent à 210 millions de Km du Soleil et à 241 millions de Km de la Terre (Earth).

Source des images:   JPL Small-Body Database Browser   Orbit Viewer applet, originally written and kindly provided by Osamu Ajiki (AstroArts), and further modified by Ron Baalke (JPL). Lien (utile pour pouvoir jouer avec ce simulateur graphique):

    http://ssd.jpl.nasa.gov/sbdb.cgi?sstr=2013A1;cad=1;orb=1;cov=0;log=0#orb

Une comète qui se dirigerait vers la Terre (celle-ci se déplaçant à 30 Km/s sur son orbite) le ferait selon un schéma très semblable, à ceci près que sa vitesse (ainsi que celle de collision) serait beaucoup plus élevée …

§ Les défenseurs devront donc pouvoir compter sur un vaisseau spatial à haute vitesse, doté d’un réacteur nucléaire permettant des accélérations de l’ordre de 1G prolongées; pourquoi nucléaire ? Mais parce que la quantité d’énergie thermique du combustible transportée est de 12’500’000 KWH/kg dans un réacteur nucléaire à onde de combustion …

Ce n’est vraisemblablement qu’ainsi, qu’ils pourront disposer d’assez de temps et d’assez de matériel pour pouvoir transformer un astéroïde ou une comète menaçant la Terre en un nuage de débris inoffensifs.

Avec les moyens actuels, les résultats d’une interception avec des missiles lents et très proches de la Terre, même avec comme explosifs de très grosses bombes H, seront aléatoires. En particulier, on ne pourra pas être sûr de venir à bout de cette façon des sidérites présentes dans les bolides.

Il y a donc tout un champ de développements à faire pour l’espace, en ingénierie nucléaire civile. 

André Bovay-Rohr, Colombier (VD)

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